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COVID19 - Les sociétés d'auteurs autorisées à utiliser l'aide à la création et les irrépartissables

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  • 6 avr. 2020
  • 6 min de lecture

Dernière mise à jour : 8 avr. 2020

COVID 19 - Le gouvernement ouvre les vannes de la copie privée et des irrépartissables : les organismes de gestion collective peuvent désormais verser directement ces sommes à leurs membres au titre de l’action sociale.


À l’heure de la crise sanitaire du COVID-19, soutenir les auteurs, les artistes et tous ceux qui concourent à la création artistique et à sa diffusion, est un enjeu majeur. Dans le domaine de l’industrie musicale, les chiffres rapportés les différents acteurs de la filière sont saisissants : 590 millions d’euros de pertes de chiffres d’affaires pour les acteurs du spectacle vivant privé selon le PRODISS (Syndicat national du spectacle musical et de variété), 800 millions d’euros pour les auteurs, compositeurs et éditeur selon la SACEM.

Dans ce contexte d’urgence économique et sociale, l’ordonnance n° 2020-353 du 27 mars 2020 est l’une des toutes premières réponses du Gouvernement. Le texte donne la possibilité aux organismes de gestion collective « à titre exceptionnel (…) jusqu’au 31 décembre 2020 (…) d’utiliser les sommes mentionnées à l’article L. 324-17 du Code de la propriété intellectuelle pour le versement d’aides financières aux titulaires de droits d'auteurs et de droits voisins, dont les revenus découlant de l'exploitation en France des œuvres et des objets protégés se trouvent gravement affectés en raison de la crise sanitaire causée sur le territoire national par le virus covid-19 ou de la mise en œuvre des mesure de lutte contre la propagation du virus ».

En clair, les OGC pourront désormais reverser directement à leurs membres les sommes normalement destinées au financement de l’action artistique et culturelle, c’est-à-dire :

(i) 25% des sommes provenant de la rémunération pour copie privée qui s’élevaient à 73,53 millions d’euros au titre de l’exercice 2017, (Rapport annuel 2019 de la commission de contrôle des organismes de gestion des droits d’auteur et des droits voisins) ;

(ii) les sommes dites « irrépartissables », c’est-à-dire l’ensemble des redevances que les OGC n’ont pas pu répartir au cours des précédents exercices, soit parce que leur destinataires n’ont pas pu être identifiés, soit à défaut de convention internationale ou d’accord de réciprocité le permettant.

Le financement de l’action artistique et culturelle (AAC) - Pour mémoire depuis la loi du 3 juillet 1985, 25% des droits provenant de la rémunération pour copie privée et 50% des sommes irrépartissables doivent être affectés « à des actions d'aide à la création, à la diffusion du spectacle vivant, au développement de l'éducation artistique et culturelle et à des actions de formation des artistes ». La loi du 27 mars 1997 a imposé que la totalité des irrépartissables soient affectés au financement de l’AAC, et en 2014 le délai à partir duquel les droits non affectés peuvent être considérés comme irrépartissables a été réduit de 10 ans à 5 ans et même à 3 ans depuis l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 22 décembre 2016.

Par « action d’aide à la création », il faut entendre les concours apportés « à la création d'une œuvre, à son interprétation, à la première fixation d'une œuvre ou d'une interprétation sur un phonogramme ou un vidéogramme » ; par « action d’aide à la diffusion du spectacle vivant », il faut comprendre les « concours apportés 1° à des manifestations présentant, à titre principal ou accessoire, un spectacle vivant ; 2° à des actions propres à assurer la diffusion des oeuvres et des prestations artistiques du spectacle vivant ».

Régulièrement la Cour des comptes relève dans ses rapports annuels que les organismes de gestion collective n’affectent pas la totalité de ces sommes au financement de l’AAC et déplore même que la pratique des report annuels d’irrépartissables non distribués viennent gonfler leur trésorerie. Sur un échantillon de 9 OGC sur un total de 25, les reports à nouveau représentaient en 2017 une somme totale de 53,51 millions d’euros, raison pour laquelle la Commission de contrôle invitait dans son dernier rapport « les OGC qui ont un taux de report de crédits AAC très élevé à montrer plus de dynamisme dans la distribution de leurs aides AAC ».

Au regard de l’urgence économique et sociale provoquée par la crise sanitaire de ces dernières semaines, il fallait inciter les OGC à utiliser ces réserves pour venir en aide à leurs membres. Seul problème, l’article L. 324-17 du CPI alinéa 3 interdit que ces fonds soient versés directement et individuellement à leurs membres au titre de l’action sociale (ce qui explique d’ailleurs la pratique consistant à créer des fonds de solidarité et de comités, abondés par des prélèvements sur les droits des membres ainsi que par des dons et legs).

L’objet de l’ordonnance du 27 mars 2020 est précisément de contourner cette impossibilité légale et d’adapter temporairement l’article L. 324-17 du CPI à la crise du COVID-19.

Le versement d’aides individuelles par les OGC pendant la crise sanitaire du COVID-19. En permettant aux OGC de verser leurs « irrépartissables » et 25% de la rémunération pour copie privée « aux titulaires de droit d’auteur et de droits voisins, dont les revenus découlant de l'exploitation en France des œuvres et des objets protégés se trouvent gravement affectés », l’ordonnance n°2020-353 confère à l’article L. 324-17 du CPI une finalité sociale qu’il n’avait pas, et vient surtout mettre en œuvre la recommandation n°13 du rapport Racine de janvier 2020 (Bruno RACINE, L’auteur et l’acte de création, Janvier 2020).

Après avoir constaté que « les OGC (…) ne dépensent pas la totalité des crédits qu’ils sont tenus d’affecter à l’action artistique et culturelle, qui ont augmenté de près de 70 % entre 2013 et 2017 », le rapport relève que « Il en résulte, ce qui est très positif, une augmentation substantielle des montants dédiés à l’action culturelle par les OGC qui passent de 77 M€ en 2013 à 125,6 M€ en 2017 » et que « les comptes font également apparaître une marge de manœuvre de plus de 60 M€ pour les artistes-auteurs, qui devraient bénéficier, directement ou indirectement, de ces ressources prévues à cette fin par le législateur ». Pour cette raison, le rapport invitait le législateur à « préciser l’article L. 324-17 du CPI en prévoyant une part minimum des crédits d’action artistique culturelle devant être employée par les OGC à des aides directes aux auteurs ». Ce sera désormais possible, mais seulement de manière temporaire.

Pour pouvoir bénéficier de cette aide, auteurs, compositeurs ou artistes-interprètes devront démontrer que « les revenus découlant de l’exploitation en France de leurs œuvres et objets protégés, se trouvent gravement affectés en raison de la crise sanitaire causée sur le territoire national par le virus covid-19 ou de la mise en œuvre des mesures de lutte contre la propagation du virus ».

La mise en œuvre de ce texte pourrait néanmoins se révéler délicate. A quel niveau fixer le seuil de gravité ? 10%, 30%, 50%, 70% de perte de revenus ? Et surtout comment démontrer la réalité et l’importance d’une perte de revenus qui ne se sera pour partie ressentie que dans 18 mois, lors des répartitions correspondantes aux exploitations publiques empêchées par l’actuel confinement et ce alors même que le dispositif dérogatoire a été conçu comme temporaire puisque les OGC ne pourront plus verser ces sommes en aide à leur membre au-delà du 31 décembre 2020 ?

Il reste que pour nombre d’entre eux, la chute de revenu est une réalité immédiate, que ce soit dans le secteur du spectacle vivant, de la musique à l’image et pour tous les créateurs qui travaillent sur commande.

À ce jour, la SACEM est le premier OGC à avoir annoncé la mise en place de cette nouvelle possibilité grâce à un fonds de soutien exceptionnel de 6 millions d’euros activé sur un total de 26,6 millions de report à nouveau dont elle disposait en 2017 sur les crédits non consommés d’aide à l’AAC auxquels s’ajoutent la quote-part de 25% de rémunération pour copie privée et qui s’élevaient en 2017 à 20,95 millions d’euros pour ce seul OGC (73,53 millions d’euros pour 14 OGC de référence).

Références :

- Ordonnance n° 2020-353 du 27 mars 2020 relative aux aides exceptionnelles à destination de titulaires de droits d'auteurs et de droits voisins en raison des conséquences de la propagation du virus covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation : https://www.legifrance.gouv.fr/eli/ordonnance/2020/3/27/MICX2008211R/jo/texte;

- Rapport annuel 2019 de la commission de contrôle des organismes de gestion des droits d’auteur et des droits voisins : https://www.ccomptes.fr/fr/institutions-associees/commission-de-controle-des-organismes-de-gestion-des-droits-dauteur;

- Rapport Bruno RACINE, L’auteur et l’acte de création, Janvier 2020) : https://www.culture.gouv.fr/Presse/Dossiers-de-presse/L-auteur-et-l-acte-de-creation-Propositions-de-Franck-Riester

 
 
 

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