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L’autorisation d’exploiter des photographies en ligne, à titre d’archives, ne peut être implicite

La Cour d’appel a rendu le mois dernier un arrêt qui vient confirmer l’importance de contractualiser le plus précisément possible la cession de droits avec ses directeurs ou collaborateurs artistiques, celle-ci ne pouvant résulter de circonstances ou se déduire d’un faisceau d’indices.


Dans un arrêt infirmatif du 19 juin 2020, la Cour d’appel de Paris a considéré que la société Yves Saint Laurent avait porté atteinte aux droits d’auteur du styliste et photographe Hedi Slimane en maintenant dans la rubrique « Archives » de son site internet des photographies et vidéos réalisées par ce dernier, au-delà de l’usage de deux années contractuellement autorisé.


Le 1er avril 2012, Hedi Slimane a pris la tête du conseil et de la direction « de la création et de l'image » de la société Yves Saint Laurent tout en assurant la réalisation de photographies et vidéos des campagnes publicitaires de la maison de couture. Aux termes d’un contrat « de conseil et de direction », il était prévu que le styliste conserverait les droits sur ces photographies et vidéos contrairement à ceux liés à ses prestations entrant dans le champ de sa mission de direction « de la création et de l'image » de la société Yves Saint Laurent.


En 2016, Hedi Slimane a décidé de ne pas reconduire son contrat avec la Maison Yves Saint Laurent qu’il a quitté pour Céline. Peu après, il assignait la société Yves Saint Laurent en contrefaçon à raison du maintien sans autorisation dans la rubrique "Archives", des photographies et vidéos qu’il avait réalisées pour d’anciennes campagnes publicitaires. Pour la maison de couture, ces exploitations n’étaient pas contrefaisantes puisque qu’elles relevaient du droit d’usage non exclusif et à titre d’archives sur lequel les parties s’étaient prétendument accordées.


Toute la question était de savoir si ce droit d’usage, notamment à titre « d’archives » ou « non-commercial » étaient entré dans le champ contractuel et pouvait découler de manière implicite des relations entre les parties.


En première instance, le tribunal de grande instance de Paris avait débouté Hedi Slimane de ses demandes aux motifs que « la reproduction des photographies et/ou vidéos litigieuses à titre d’archives, dans la partie institutionnelle du site, entre (…) dans le périmètre contractuel liant les parties et ne peut être constitutif de contrefaçon ».


La Cour d’appel a quant à elle retenu que la société Yves Saint Laurent avait porté atteinte aux droits patrimoniaux d’Hedi Slimane dans la mesure où celle-ci ne rapportait pas la preuve qu’un usage à titre d’archives gracieux et sans limitation de durée relèverait d’un usage expressément prévu par les parties au contrat.


La Cour d’appel relève notamment que le contrat conclu entre les parties prévoyait que le styliste pour demander de participer aux campagnes d’image de la marque et qu’en cas d’accord, la rémunération au titre de ses prestations photographiques serait négociée et comprendrait les « autorisation d’usage saisonnières habituelles », qu’en l’occurrence les factures émise se contentaient de mentionner systématiquement et exclusivement, un droit d’usage de 2 ans (« photographer Fees/usage/2years »), de sorte qu’il ne pouvait en être déduit comme tentait de le démontrer la société Yves Saint Laurent, l’existence d’un usage du secteur (au demeurant courant), consistant à autoriser une exploitation non commerciale et à des fins d’archives, au-delà de la période d’exploitation commerciale de deux ans.


La Cour d’appel considère enfin de manière plus inattendue pour ceux qui pratiquent ce type de clauses dans le secteur, que la reproduction des photographies et vidéos dans la rubrique « Archives » du site ysl.com doit être considérée comme ayant une finalité commerciale puisque ces images participent à la valorisation des articles et de la marque et sont reproduites sur un site commercial qui propose des produits à la vente. Il est d’usage de prévoir dans les contrats une clause de cession spécifique pour ce type d’exploitation qualifié d’« Exploitation à des fins d’archive, communication non commerciale et institutionnelle » qui prévoient généralement une durée de cession alignée sur celle des droits.


Enfin, la cour d’appel de Paris rappelle que la tolérance n’a aucun effet en droit d’auteur. Dès lors, le fait que le styliste n’ait réclamé le paiement du renouvellement du droit d’usage qu’à compter de la rupture de ses relations contractuelles, ne caractérise pas une tolérance créatrice de droit pour la société Yves Saint Laurent.


S’agissant des mesures réparatrices, la cour d’appel de Paris considère qu’il ne peut être admis que l’usage litigieux des images par la société aurait la même valeur que le droit d'usage initialement consenti des lors qu'il porte sur une durée deux fois moindre (1 an et non plus 2 ans), ne concerne plus que l'utilisation sur un support (le site internet ysl.com) et que le coût des jours de travail 'shooting' doit être considéré comme inexistant dans le cadre d'un renouvellement d'usage de prestations déjà effectuées. Enfin, la Cour relève que si l’usage litigieux présente toujours un intérêt économique pour la société Yves Saint Laurent, ce dernier est moins important que celui lié la diffusion de photographies et vidéos d'une collection en cours ou récente, les campagnes litigieuses génèrent moins de 1% du 'trafic' sur site internet d’YSL.


La cour d’appel de Paris a tout de même fixé le montant des droits qui auraient été dus par la société Yves Saint Laurent à 6 000 euros par campagne litigieuse et pour chaque année de reproduction, soit un montant total de 618 000 euros.


Cette décision peut apparaître relativement sévère compte tenu de l’exploitation en cause et des usages (parfaitement connus des professionnels du secteur) mais pas surprenante au regard du principe d’interprétation stricte des cessions en droit d’auteur.


Une nouvelle preuve, s’il en était besoin, de l’importance de contractualiser de manière précise la cession de droits d’auteur dans les contrats, y compris pour les exploitations apparemment non directement commerciales, en précisant notamment :

  • la durée de l’exploitation envisagée ;

  • les territoires (le monde entier pour l’exploitation en ligne) ;

  • les supports envisagés en prenant le soin de préciser si les contenus seront toujours disponibles en ligne à l’issue de la campagne ;

  • le prix en contrepartie de la cession desdits droits d’auteur avec une ventilation par mode d’exploitation, y compris pour les exploitations non directement commerciales.

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